T.I.M.E Stories Nom de Zeus Marty, on est dans le futur !

T.I.M.E Stories est le nouveau jeu de l’éditeur Space Cowboys, après notamment les excellents Splendor et Elysium. On les retrouve ainsi en ce mois de septembre 2015 avec l’auteur Manuel Rozoy, nouveau venu dans le monde du jeu de plateau, pour un jeu extrêmement atypique, à la lisière entre le jeu de rôle, le jeu de plateau et ces fameux Livres Dont Vous Etes Le Héros auxquels on a tous joués il y a quelques années. L’expérience se veut complètement immersive et narrative, avec des mécaniques de jeu épurés à l’extrême pour laisser le plus de place possible à l’aventure racontée, qui dépendra entièrement des choix opérés par les joueurs. Toutefois, contrairement à un Sherlock Holmes Detective Conseil, toute l’histoire vécue prend ici la forme de cartes; d’où le néologisme plutôt élégant trouvé par l’auteur et l’éditeur de decksploring.

Le jeu nous place dans le futur, alors que des découvertes astrophysiques majeures permettent de voyager dans le temps. Nous jouons ainsi le rôle « d’explorateurs », chargés de résoudre de grandes crises passées. Pour cela, on va faire du Code Quantum-style : depuis notre base centrale, nous allons voyager dans le passé en nous incarnant dans la peau de différents personnages, et tenter de résoudre le mystère auquel nous sommes confrontés. Dans le (seul et unique) scénario de la boîte de base, il s’agira ainsi de fermer une faille temporelle dans un asile psychiatrique français des années 20… Une mission qui nous prendra entre 3h (pour les plus pressés et/ou les plus chanceux) et 8h (pour les plus roleplayers et /ou malchanceux).

Concrètement, les joueurs vont commencer par choisir les personnages qu’ils incarneront dans l’aventure. Ceux-ci se caractérisent par une capacité spéciale et par trois caractéristiques, pouvant varier d’un scénario à l’autre. Pour le scénario Asylum, chaque personnage se voit ainsi décrit par son talent au combat, à l’adresse, et au bagout. Puis, toute l’aventure se déroule sur un plateau central.
On y pose en bas à gauche le gros deck de cartes correspondant au scénario joué. Puis, on posera dans la partie adjacente les cartes correspondant au lieu visité. En effet, tout le principe du jeu est d’explorer, d’enquêter, de visiter, de collecter les indices… Bref de vivre notre aventure comme on le souhaite, pour réussir la mission. Pour nous aider à nous y retrouver géographiquement, la partie supérieure gauche contient le plan complet des lieux, celui-ci prenant la forme de quatre cartes que l’on pose au début de la partie. La partie supérieure droite contiendra elle les cartes « Elements », c’est-à-dire tous les objets et indices que l’on sera amené à découvrir durant l’aventure.

 

Le plateau de jeu de TIME Stories.

Le plateau de jeu de TIME Stories.

Prenons un cas concret pour que vous compreniez bien le système de jeu : le début d’Asylum nous place dans la salle de repos de l’asile. Celle-ci est constituée de cinq cartes notées de B à F, que l’on place l’une à côté de l’autre pour former un panorama représentant les lieux, et d’une carte – appelée carte A – qui présente l’endroit et nous informe des choses à faire : une infirmière avec qui discuter, un homme nous dévisageant, un tableau étrange à aller voir de plus près, ou que sais-je encore. On désigne alors le Time Captain, le leader temporaire de l’équipe, qui sera chargé de lire à haute voix la carte A, puis chaque joueur place le pion correspondant à son personnage au-dessus de la carte qui l’intéresse, et lit dans son coin le texte et l’illustration au dos de la carte. Il y découvre différentes informations plus ou moins utiles, des indices, des conseils de certains personnages, des choix à faire, des actions à entreprendre, des pièges… Puis, les joueurs discuteront entre eux de ce qu’ils viennent de découvrir, pour tenter de prendre les meilleures décisions possibles. Tout le sel du jeu est là.

Time Stories Asylum

La partie inférieure gauche du plateau, avec l’exploration de la salle de repos. Le personnage violet décide d’aller voir une infirmière; il prend alors la carte et lit l’évènement décrit au verso de la carte.

Une fois cette première exploration effectuée, trois choix simples s’offrent à nous :

Se déplacer

Il est possible de se déplacer dans le lieu, c’est-à-dire déplacer son pion sur une autre carte et la lire, comme précédemment

Effectuer une épreuve

Effectuer une épreuve sur la carte sur laquelle vous vous trouvez, qui peut être tout et n’importe quoi : combat contre un ennemi, crochetage de serrure, séduction d’un personnage pour le faire parler… En deux mots, et comme dans un jeu de rôle, on fait un jet de dés pour résoudre l’épreuve, qui nous dira si on a réussi ou non. Par exemple, crocheter une serrure correspond à un jet d’adresse, demandant un certain nombre de « hits », représentés sur la carte par des boucliers. Vous lancez les dés, le nombre dépendant de la caractéristique de votre personnage (par exemple, Marie Bertholet, illustrée plus tôt, jette deux dés), et si le nombre de hits sur vos dés est supérieur ou égal au nombre de boucliers sur la carte, vous avez remporté l’épreuve. Simple. A cela s’ajoute des difficultés supplémentaires suivant les épreuves, certaines pouvant entraîner une riposte, une perte de points de vie, des évènements spéciaux.

Ne rien faire

Toutefois, ces actions, quelles qu’elles soient, prennent un certain temps pour être effectuées : et c’est là qu’interviennent les Unités de Temps (UT), élément crucial de T.I.M.E Stories. En effet, c’est bien joli de triturer l’espace-temps et de se balader dans le passé, mais l’énergie demandée est colossale, et le voyage ne dure donc pas infiniment. Les joueurs commencent donc la partie avec un certain nombre d’UT – dépendant du scénario en cours – qui seront dépensées tout au long de la partie. Une fois tous les UT dépensées, zou, retour à la base. Vous êtes alors bons pour reprendre le scénario depuis le début, en conservant tout de même quelques éléments primordiaux (repérés par un sigle spécial sur la carte) et en ayant une meilleure idée des lieux à visiter absolument, et des personnages à rencontrer et à éviter.Pour revenir aux UT, leur mécanique est simple. Concrètement, 1 UT permet à tous les joueurs d’effectuer l’un des trois choix possibles. Quand tout le monde a fait son action, on décide si une autre UT est nécessaire pour continuer l’exploration (ou si quelqu’un n’a pas terminé son épreuve, car il n’a pas obtenu assez de hits), ou s’il est temps de changer de lieu. Dans ce dernier cas, on enlève les cartes du lieu en cours, et on va chercher dans le deck les cartes du prochain lieu. Le Time Captain est également chargé de lancer un dé spécifique permettant de savoir combien de temps le trajet nous a pris, et donc combien d’UT cela nous a coûté, entre 1 et 3 UT.

On le voit, les mécanismes de T.I.M.E Stories sont extrêmement simples, surtout pour le premier scénario : des jets de dés par-ci par-là, et c’est à peu près tout. Non, ce qui fait la force du jeu, c’est l’histoire qu’il nous raconte, et dans laquelle on plonge véritablement. Les magnifiques illustrations sur les cartes – au format tarot – nous donnent le sentiment de faire part à une vraie aventure, à un point inédit dans un jeu de société. Pour peu que les joueurs soient un minimum imaginatifs, on se prend au jeu de se raconter cette histoire, de se l’approprier, de la vivre. L’imagination est, à mon sens, ici cruciale. En effet, les textes du jeu sont rarement géniaux, notamment parce qu’ils doivent rester courts pour rentrer dans la carte. Il est donc primordial de ne pas se contenter de ce texte, mais de s’en servir d’une base pour raconter une histoire, développer une situation, paraphraser… Bref, d’être le Maître de Jeu le temps d’un instant. Dans le cas contraire, l’expérience sera beaucoup moins immersive et le temps de jeu réduit à sa portion congrue.

Une belle brochette de têtes de vainqueurs.

Une belle brochette de têtes de vainqueurs.

 

La clé est là : on enquête, on investigue, on se pose des questions, on réfléchit aux énigmes et au mystère qui se dévoilent peu à peu. Faut-il suivre cet étrange individu, et ainsi découvrir ce qu’il veut nous montrer, ou au contraire se méfier de la folie environnante qui pourrait tôt ou tard se retourner contre nous ? Un personnage louche nous menace avec un pistolet en criant de rage : faut-il tenter de le raisonner, ou au contraire le neutraliser immédiatement ? Si on le neutralise, on pourra peut-être lui prendre son arme ? Oui, mais a-t-on assez de talent au combat pour le neutraliser ? Et puis, peut-être nous donnera-t-il des informations cruciales si on tente de s’en faire un allié ? Autant de questions qui font vivre cette histoire, et qui font que chaque run est différent du précédent.

Par contre, si l’on devrait mettre un bémol à tout cela, il faudrait reconnaître que le jeu est quand même moins sympa à deux, quand bien même la boîte annonce « 2-4 joueurs ». A quatre joueurs, chacun joue un personnage et tout le monde discute, participe, communique… Une vraie ambiance se crée à la table. A deux joueurs par contre (chaque joueur incarne alors deux personnages), forcément la communication est moindre, et globalement on s’amuse moins qu’à quatre. Ce qui est somme toute logique. Après, attention : le jeu reste tout à fait agréable et passionnant ; les parties que ma femme et moi jouons sont de vrais bons moments.

Time Stories The Marcy Case scenario
Plusieurs scénarios supplémentaires sont déjà prévus, à commencer par The Marcy Case, déjà disponible. Celui-ci nous place dans la peau d’enquêteurs dans une ville américaine en 1992, notre mission étant de sauver une jeune femme alors qu’un mal étrange frappe la petite bourgade… Ma femme et moi n’y avons joué que 2h30 (le temps que nous a pris notre premier run), mais je peux d’ores-et-déjà dire que ce scénario-là est plus complexe que le précédent, avec des combats bien plus durs dès le début, et de nouvelles mécaniques bien foutues (et on utilise enfin les emplacements « Codex » du plateau de jeu !).

De quoi rajouter de la profondeur dans les actions et sortir d’un « simple » Livre Dont Vous Etes Le Héros. Et puis les illustrations sont une nouvelle fois formidables, avec une direction artistique de style comic books radicalement différente du scénario Asylum, mais tout aussi magnifique.

Un autre scénario, cette fois-ci dans un univers héroic-fantasy (avec des mécaniques liées à la magie et autres éléments fantastiques) dessiné par le formidable Vincent Dutrait arrivera en décembre, et un troisième scénario supplémentaire se déroulant au temps des pharaons arrivera en mars 2016.

Miam miam.

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Note de la rédaction

Vous l’aurez compris T.I.M.E Stories est un jeu proposant de prolonger vos aventures au moyen de nouveaux scénarios qui seront vendus séparément de la boite de base. Il sera donc nécessaire de repasser à la caisse de votre magasin favori à chaque nouvelle sortie.

Si cela n’a rien de scandaleux car cela permet à l’éditeur de travailler avec plusieurs scénaristes/illustrateurs et aux joueurs de choisir quelles aventures acheter ou non, il nous a semblé utile de souligner qu’un scénario ne propose pour ainsi dire pas de rejouabilité, puisque une fois le dénouement connu et à moins d’avoir une mémoire de poisson rouge, il sera difficile de prendre du plaisir à refaire un scénario terminé.

Avant achat il n’est pas inutile de prendre cet aspect en considération, à environ 40€ la boite de base et plus de 20€ le scénario supplémentaire pour quelques heures de plaisir, assurez-vous que votre portefeuille est suffisamment garni.

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