Impérial Un Périal vaut mieux que deux Tuloras...

On est vendredi…

Alors, comme promis : cette semaine, je viens vous parler d’un jeu qui tape dans l’élite de la crème du dessus du panier : Imperial, de Walther « Max » Gerdts, dont le seul défaut est d’avoir un nom aussi imprononçable que Gérard Krawczyk.


(Anecdote : l’illustration de la boîte est inspirée d’une célèbre photo de Wilhelm II entouré de son état-major, qui ici a été remplacé par des industriels. Cela reflète parfètement le principe du jeu et le cynisme de celui-ci : dans Imperial, ce sont les industriels qui gouvernent.)

Imperial est un jeu long et complexe au premier abord, mais ses mécanismes de jeu sont très logiques et les tours s’enchaînent assez rapidement une fois qu’on en a bien compris le principe. Il se joue de 2 à 6 joueurs, pour une durée de jeu qui sera de 3h environ.

Principe de jeu

Chaque joueur incarne un puissant industriel à l’aube du conflit meurtrier qui va déchirer l’Europe du début de ce XXe siècle, j’ai nommé la Première Guerre mondiale. Franz Ferdinand vient d’être assassiné à Sarajevo par un serbe qui n’aimait pas sa musique. La tension est donc à son comble dans le vieux continent, où toutes les puissances s’arment pour faire de la riposte préventive. Or, comme disait Cicéron, l’argent est le nerf de la guerre : les nations d’Europe, pour financer leurs fusils Lebel, Mauser ou autres Mosin-Nagant, vendent des obligations de guerre à qui est prêt à les soutenir. Oui, c’est de vous qu’on parle : mettez vos beaux sentiments de côté et préparez les stocks d’armes et de pansements, car votre rôle va être de vous enrichir sur le dos des belligérants.

Le plateau de jeu : l'Europe du début du XXe.

Le plateau de jeu : l’Europe du début du XXe.


Les obligations de guerre que vous allez acheter sont au coeur du jeu : en fait, elles doivent être considérées comme des « actions » : c’est le plus gros portefeuille que le gouvernement écoutera, et si vous êtes le joueur qui a le plus investi dans une nation donnée, alors vous serez en quelque sorte son actionnaire majoritaire. Cela vous permettra de contrôler le gouvernement de cette nation et de gérer ses affaires comme vous l’entendez, en construisant des usines, recrutant des troupes, envahissant le voisin, levant des impôts, etc.

Les 6 nations en jeu : Royaume-Uni, France, Royaume d'Italie, Empire d'Autriche-Hongrie, Empire allemand, Empire russe (vous comprenez maintenant le nom du jeu)

Les 6 nations en jeu : Royaume-Uni, France, Royaume d’Italie, Empire d’Autriche-Hongrie, Empire allemand, Empire russe (vous comprenez maintenant le nom du jeu)

J’attire donc votre attention sur un point très important : même si la carte ressemble à un Risk, dans Imperial, vous n’êtes pas une nation. Vous êtes un investisseur neutre qui, à l’occasion, prend le contrôle de telle ou telle nation. Pour cette raison, vous disposez de fonds personnels, et les nations disposent également de leur propre trésor. Selon les événements, vous pouvez tout à fait cesser de soutenir une nation pour vous tourner vers son ennemi, ruiner l’économie d’une autre nation puis la laisser à son triste sort, etc. Alors inutile de s’attacher à l’Empire allemand parce que ses soldats ont des casques à pointe classieux, ou aux jolies blondes de l’Empire russe : si les affaires tournent mal, il vaudra mieux les lâcher que d’y laisser votre portefeuille.

Le tour de jeu

Le tour de jeu se déroule toujours dans le même sens, faisant intervenir les puissances les unes après les autres. Chaque puissance est jouée par son actionnaire majoritaire. Au début du jeu, les joueurs reçoivent quelques obligations par défaut, devenant de fait majoritaire sur au moins une nation.

Lorsqu’un joueur est majoritaire sur une nation, il peut effectuer UNE action avec celle-ci lorsque son tour arrive. Mais attention, pas n’importe comment. Il doit en effet respecter cette invention ultime qu’est la roue des actions :
Imperial - 4
Chaque puissance y est représentée par un pion qui évolue dessus, et qui ne peut faire que de 1 à 3 cases dans le sens horaire à chaque tour. Par exemple, ici, le Royaume-Uni se trouve sur la case Factory ; il devra être déplacé sur Production, Maneuver ou Investor lors de son tour, et faire l’action correspondante (on peut aussi payer pour aller plus loin, mais on ne peut pas rester sur la même case).

Le résultat est une répartition équilibrée des actions, avec suffisamment de flexibilité pour, le moment venu, agir sur le contrôle des actions que l’on souhaite faire en dépensant plus de sous.

Voici le détail des actions :

  • Construire (Factory) : construire des usines ou chantiers navals qui serviront à recruter des troupes
  • Produire (Production) : produire gratuitement troupes et navires de guerre à partir de vos usines et chantiers pour aller taper sur le voisin
  • Importer (Import) : acheter des unités même si la nation ne dispose pas des infrastructures nécessaires
  • Manoeuvrer (Maneuver) : déplacer sur la carte les unités produites ou achetées au préalable
  • Investir (Investor) : Percevoir les intérêts dus des obligations achetées et en acheter de nouvelles
  • Taxer (Taxation) : Permettre à une nation de percevoir les impôts sur les territoires contrôlés

Construire est une action de début de partie très importante qui permettra à une nation de disposer de la logistique nécessaire pour attaquer ou menacer son voisin. C’est un investissement sur l’avenir, qu’il faut savoir rentabiliser. Produire également. A contrario, Importer est souvent une action de secours pour pallier un défaut d’organisation. Ces trois actions viennent taper dans le trésor de la nation qui les effectue, qui n’est pas le même que le trésor de l’investisseur (rappelez-vous ; les nations disposent de leur argent propre, vous aussi).

Fini de rire, l'Autriche a produit des unités navales qui défendent la mer ionienne. Nobody expects the Austrian Navy!

Fini de rire, l’Autriche a produit des unités navales qui défendent la mer ionienne. Nobody expects the Austrian Navy!

Manoeuvrer est évidemment une action vitale pour aller refaire le portrait des voisins ou envahir un territoire neutre pour le taxer. Même si on ne peut jamais taxer un territoire ennemi (la population locale n’aime pas les intrus), on peut l’envahir pour lui détruire ses infrastructures et bloquer ses actions : un pays envahi ne peut quasiment plus rien faire. Lorsqu’un joueur développe beaucoup l’économie d’un pays en investissant tout ce qu’il peut dedans, envahir ce pays peut freiner ses ambitions. Au reste, les combats sont très simples : on compare le nombre de pions de chaque côté, et chacun en perd autant que l’adversaire en aligne. Les survivants contrôlent le territoire contesté. Pas de carte, de dés ou de surprise, rigueur allemande oblige.

C'est reparti comme en 1870 : le Kaiser envahit ses voisins. Cette fois-ci, il jette son dévolu sur l'Autriche-Hongrie.

C’est reparti comme en 1870 : le Kaiser envahit ses voisins. Cette fois-ci, il jette son dévolu sur l’Autriche-Hongrie.

Investir n’est pas une action de combat pur, c’est plus subtil que ça : cette action va permettre dans un premier temps de récupérer de l’argent puis d’acheter de nouvelles obligations. C’est le moment où l’on va tenter de faire des OPA sur les puissances adverses pour les contrôler au détriment de ses adversaires. Par exemple, si je vois qu’un adversaire possède pour 5 millions d’actions italiennes et que j’en ai 3, je vais acheter 3 millions supplémentaires pour lui repasser devant et contrôler le Royaume d’Italie à sa place. Cette fois-ci je parle bien de MON argent personnel, que j’investis pour renflouer le trésor d’une nation.

Les drapeaux indiquent chez qui ce joueur est majoritaire. Avec plus de trente millions investis dans les Empires russe et allemand, il est tranquille ; en revanche il est un peu léger sur le Royaume-Uni : la perfide Albion le laissera tomber dès qu'un autre joueur achètera une action de valeur supérieure chez elle.

Les drapeaux indiquent chez qui ce joueur est majoritaire. Avec plus de trente millions investis dans les Empires russe et allemand, il est tranquille ; en revanche il est un peu léger sur le Royaume-Uni : la perfide Albion le laissera tomber dès qu’un autre joueur achètera une action de valeur supérieure chez elle.

Taxer permet à une nation de récupérer de l’argent et financer ses troupes. Une nation en faillite n’a quasi aucune chance de se défendre. L’actionnaire majoritaire touche une part des taxes, mais ce n’est pas le Pérou non plus. La taxation permet aussi à une nation de marquer des points de puissance, qui majoreront les intérêts que vous toucherez à la fin de la partie.

Tous les territoires marqués d'un jetons ronds sont taxés et permettent à la nation qui les contrôle de gagner de l'argent et de la puissance.

Tous les territoires marqués d’un jetons ronds sont taxés et permettent à la nation qui les contrôle de gagner de l’argent et de la puissance.

 

Fin du jeu

Au fil des tours et des taxations, les nations gagnent de plus en plus de points de puissance. Le jeu se termine lorsqu’une nation a atteint un certain seuil de puissance (25 points). Plus une nation est puissante, plus ses actionnaires toucheront de l’argent en fin de partie. Le joueur le plus riche, qui est celui qui aura su le mieux placer ses billes pendant la partie, remporte la victoire.

En conclusion, on est bien loin d’un pur jeu d’affrontement. Comme dans Airlines Europe, il est souvent utile d’essayer d’investir dans plusieurs nations pour toucher de petits dividendes sur chacune d’entre elles, plutôt que dans une seule nation. En effet, si les autres joueurs se rendent compte que vous êtes en train de bétonner une puissance en achetant des obligations chez elle et uniquement chez elle, ils ne tarderont pas à utiliser leur argent pour prendre le contrôle des voisins et envahir votre joli pays pour limiter sa puissance et les intérêts que vous toucherez dessus. La guerre, au final, reste utile pour ralentir ou bloquer des adversaires, mais elle ne reste qu’un outil au service de l’économie. Oui, je vous avais dit que c’était cynique.

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