Caylus est un jeu de stratégie et de placement d’ouvriers, né du cerveau Vulcain de William Attia fin 2005. Primé des milliards de fois à sa sortie, minimum, c’est certainement le jeu du genre le plus connu de tous et celui qui a rencontré (et rencontre encore) le plus de succès. De plus il est édité chez les plus grands, les plus beaux : Ystari Games. What else ?
Attention, c’est du pur kubenbois, c’est du velu, du tatoué, du vrai qui vient chez toi avec ses bottes pleines de terre, qui rote et qui fouille dans ton frigo. Il est ressorti en juin 2012 dans une version plus chatoyante pour les yeux. La boîte, le plateau, les tuiles, tout a été redessiné tout en conservant le style original. Chacun jugera du résultat final.
Caylus fait référence à la ville du même nom en France. À la fin du XIIIème siècle, le roi Philippe Le Bel veut renforcer la position frontalière stratégique du bourg et souhaite donc y faire construire immédiatement un château fort. La rumeur d’un chantier prestigieux se propage rapidement dans le royaume et voilà que débarquent les joueurs dans ce petit bled paumé, petits artisans à l’avenir prometteur. Armés de leurs ouvriers, d’un peu d’astuce et d’espièglerie, ces maîtres d’œuvre vont rivaliser de stratégie, d’ingéniosité, parfois même de corruption (ou de lobbyisme, question de point de vue), pour s’attirer prestige et faveurs du roi.
Le but du jeu va être de cumuler le plus de points de Prestige possible en construisant le Château du Roi et en développant la ville tout en gérant les différentes ressources matérielles et humaines.
Le plateau de jeu
Très complet, le plateau est un modèle d’ingéniosité et de simplicité condensé sur une surface assez restreinte, ce qui est toujours appréciable quand on ne dispose pas d’une table Louis XIII de 2m20 dans son salon. Il représente majoritairement la ville et sa route principale qui part du château, tout en haut, et zigzague entre les bâtiments de la ville, jusqu’en bas. Un tableau des faveurs et un ordre du tour sont également présents dans l’angle supérieur droit. Le tout est cerclé d’un compteur de points de Prestige qui évoluera en temps réel tout au long de la partie. Avec ses petites indications qui résument le déroulement du jeu et les points de règles qui peuvent être facilement omises, le plateau sert aussi à la fois d’indicateur d’actions, mais aussi d’avancement des scores, de la puissance des faveurs et de compte-tour pour la fin du jeu, une merveille d’ergonomie !
Déroulement
Afin d’accumuler des Points de Prestige et/ou bénéficier des divers bonus accordés par des Faveurs du roi, en construisant des bâtiments de ville ou en allant suer au chantier royal, les joueurs vont pouvoir placer à chaque tour tout ou partie de leurs 6 ouvriers sur un emplacement du plateau de jeu. Les places sont chères, car, en dehors du Château, elles sont limitées à 14 bâtiments en début de partie (un bâtiment ne peut être occupé que par un ouvrier à la fois), mais aussi parce qu’il faut payer la main d’œuvre avec ses propres deniers. Chaque ouvrier placé accordera ensuite une action spécifique à son propriétaire en fonction du bâtiment occupé, comme récolter un ou plusieurs cubes de ressources, de l’argent ou la possibilité de construire de nouveaux bâtiments au premier emplacement libre sur la route principale.
Ainsi, en plus d’inévitablement agrandir le nombre d’emplacements disponibles en ville, les joueurs contribueront à ce que d’un vaste terrain boueux, émerge peu à peu, un fier et robuste château après trois étapes de construction successives : le Donjon, les Murailles, les Tours. Chaque joueur pourra à chaque tour, si un de ses ouvriers est présent et s’il en a les moyens, construire un ou plusieurs segments d’étapes en payant un lot de 3 ressources différentes (la Nourriture, l’élément obligatoire, le Tissu, le Bois, la Pierre, ou l’Or). Lorsque les 30 segments sont complétés, le Château et la partie sont terminés.
Le coût du travail bien fait
Avant de résoudre les actions des ouvriers, les joueurs doivent les placer à tour de rôle sur le plateau. Mais un ouvrier, ça doit manger. Et pour ça il doit bien gagner sa vie. Chaque ouvrier placé par un joueur est donc payé immédiatement 1 denier. Même si son action se révèle par la suite impossible pour une raison ou une autre, il aura quand même touché son salaire. C’est malin un ouvrier, ça ne veut pas bosser gratis, et ça veut être payé en avance. Un vrai scandale.
Le plus drôle : dès qu’un joueur passe son tour et ne souhaite plus placer d’ouvrier, le salaire des suivants qui seront envoyés au turbin pour ce tour augmentera de 1 (et seront donc payés 2 deniers). Et ainsi de suite pour chaque nouveau joueur qui abandonne le placement. Utiliser tous ses ouvriers en dépit des abandons précédents peut donc rapidement atteindre des sommes astronomiques !
Le Bailli et le Prévôt
Comme tout cela manque encore d’un peu de suspense et de fourberie, les joueurs doivent prendre en compte le rôle des émissaires du Roi : le Bailli et le Prévôt. Ils sont là pour superviser les travaux de la ville et du Château dans les règles de l’art. Représentés par deux pions blancs de différente taille et liés à la vie à la mort, ils avanceront automatiquement ensemble le long de la route. Pendant que l’un, le Prévôt, autorisera l’usage des bâtiments de la ville situés uniquement derrière lui, l’autre, le Bailli, annoncera la fin successive des 3 étapes de construction du Château lorsqu’il atteindra une case précise de la route. Il accordera aussi les Faveurs du roi qui sont associées aux travaux. La fin de la troisième étape sonnera par la même occasion la fin du jeu, que le chantier soit terminé ou non.
Tout le sel de ces personnages se révèle après le dispatch des ouvriers. Les joueurs, dans l’ordre d’abandon vu au point précédent, vont pouvoir faire avancer ou reculer le Prévôt à tour de rôle en glissant quelques piécettes dans sa poche. A la fin du tour, le Bailli attendra le Prévôt resté en retrait en avançant lentement ou hâtera sa marche pour le rattraper si ce dernier le devance. Il ne sera alors pas rare de voir des ouvriers rentrer bredouilles de bâtiments subitement interdits par le Prévôt ou de constater le rythme frénétique (ou son interminable lenteur) avec lequel le Bailli clôture les travaux. Certains joueurs pourront même s’entendre le temps d’un tour pour bloquer un ouvrier d’un concurrent ou éviter qu’il ne s’avance trop dans la construction du château…
Les points de Prestige et les Faveurs
Vous le savez déjà, les points de Prestige sont tout bêtement des points de victoire, semblables à une multitude d’autres jeux. Vous en marquerez à toute occasion : construction d’un bâtiment, construction d’un segment du Château, accordés par une faveur du roi ou reçu lors de l’utilisation par un autre joueur d’un bâtiment vous appartenant. À la fin de la partie, même l’argent et les ressources restantes rapporteront des points !
Les Faveurs, par contre, accorderont ponctuellement des bonus aux joueurs les plus opportunistes : points de Prestige supplémentaires, Deniers, Ressources ou rabais sur les constructions, au choix. Chaque faveur choisie fait avancer un marqueur sur sa piste qui accroit peu à peu sa puissance. Il est ainsi possible de se « spécialiser » et maximiser un bonus particulier ou au contraire toucher un peu à tout pour obtenir une palette plus large de bonus plus faibles.
Les Bâtiments
Pour aider à la bonne fin des travaux du roi et leur accorder la victoire, les joueurs vont pouvoir compter sur 6 types de bâtiments :
- les bâtiments spéciaux, immuables, directement imprimés sur le plateau qui accordent chacun une capacité particulière au joueur (récolter de l’or, obtenir une faveur, changer l’ordre du tour, bouger gratuitement le Prévôt, etc…)
- les bâtiments de production qui fourniront des ressources
- les bâtiments de commerce qui permettront de vendre/acheter des ressources ou troquer des ressources ou de l’argent contre des points de Prestige
- les bâtiments de construction qui permettront de construire des bâtiments d’un type (bois, pierre…)
- les résidences qui, Monopoly-style, verseront un loyer régulier à leur propriétaire
- les bâtiments de Prestige, les plus coûteux et difficile à sortir de terre, qui feront marquer à leur propriétaire un grand nombre de points de victoire.
Au départ, seuls les bâtiments basiques en bois pourront être bâtis. À la charge des joueurs de débloquer les bâtiments en pierre plus efficaces, les résidences lucratives et les bâtiments de prestige longs à mettre en place, mais intéressants pour gagner un petit pactole de points en une seule fois.
L’avantage de construire un bâtiment est triple. En plus d’offrir une nouvelle opportunité d’action, il rapporte des points à la pose de la tuile mais aussi à chaque fois qu’un autre joueur y enverra un ouvrier. De plus, par cette opération vous devenez l’unique propriétaire de l’emplacement sur le plateau de jeu. Libre à vous ensuite de remplacer votre bâtiment par un autre plus puissant ou moins utile pour les autres !
Dernière subtilité : au début du jeu, les 6 tuiles rouges accessibles représentent les bâtiments communs. Ils appartiennent à tout le monde et à personne à la fois. N’importe quel petit malin peut alors en enlever un pour construire un bâtiment lui appartenant et se réserver l’emplacement correspondant.
Conclusion
Voilà, c’est tout ça Caylus : de l’ergonomie et de la simplicité au service d’une mécanique implacable permettant l’élaboration d’une multitude de stratégies qu’il faudra savoir faire évoluer en cours de partie selon les actions des autres joueurs. Certains ne jureront que par la construction du Château et rivaliseront à chaque tour pour construire plus de segments que son voisin, pendant que d’autres n’y mettront jamais les pieds, préférant se sucrer sur le dos des premiers en développant la ville, nécessaire à l’obtention des précieuses ressources et des deniers pour payer les ouvriers. Des esprits chafouins toucheront un peu à tout pour optimiser les Faveurs du Roi ou bien précipiteront le malheur des autres afin d’être le seul à garder la tête hors de l’eau en raréfiant les bâtiments essentiels et en passant leur tour plus tôt pour faire monter le prix des ouvriers suivants à placer… Comme une grande variété d’action fait gagner des points de Prestige on se rend compte assez vite que tout est possible, que toute stratégie est valable. Le hasard n’a pas sa place dans Caylus, seul le meilleur vaincra. Et c’est là l’immense richesse de ce jeu d’exception.
En un seul mot si vous ne l’avez pas encore : achetez !
Jeu de gestion et de stratégie, au regard vif et au poil brillant
De 2 à 5 joueurs (idéalement 3 ou 4)
Durée de la partie : entre 2 et 3h
Diplomatie : 2/5
Stratégie : 5/5
Hasard : 0/5
Difficulté : 3/5
Taux d’empilement des petits cubes autour de la table : 43 %
Taux de corruption du Prévôt : 64 %
Taux d’envie de proposer à ses invités des cookies choco-valium pour une victoire facile : 89 %
Note globale : 5/5
Et pour aller plus loin…
Caylus n’a, à ma connaissance, pas d’extension officielle et n’en a objectivement pas besoin. Si toutefois une touche de med-fan et un risque de déséquilibre ne vous font pas peur, il existe une extension non officielle en téléchargement : Guildes et Destructions. Mais bon, pourquoi vouloir améliorer la perfection ?
Le jeu est également jouable gratuitement en ligne sur Board Game Arena et en application payante sur iOs uniquement.
Caylus, c Royal!!! Un jeu devenu pour moi incourtenable.
Ça a l’air chouette mais assez semblable à l’âge de pierre. C’est un peu plus tricky non ?
Naaaan, pas Caylus !
Un très bon jeu également. Je connais l’ancienne version avec les illustr’ beaucoup moins chouettes.^^
J’y ai rejoué il y a peu, toujours aussi agréable ce Caylus!