Chose promise, chose due (mais avec un chouïa de retard), voici ma critique de Twilight Struggle ! D’emblée, vous m’excuserez pour une présence assez importante de l’anglais dans cette critique, ayant le jeu dans la langue de Shakespeare. Par ailleurs, je me contenterai d’une explication assez sommaire des règles, celle-ci étant assez abstraite si l’on n’a pas le plateau devant les yeux.
Twilight Struggle: Introduction
Aujourd’hui, chers amis, laissons le vulgus des joueurs derrière nous (au large, ces ameritrash à licences juteuses, ou pire, comble de l’horreur, ces jeux apéritifs ^^) pour nous consacrer à l’aristocratie du jeu de société. En effet, Twilight Struggle a l’insigne honneur d’être le numéro 1 du classement de jeux de Boardgamegeek.
Et que nous propose-t-il? Rien de moins que d’incarner une des deux superpuissances de la guerre froide, USA ou URSS, et de venir à bout de ces pourritures de communistes/chiens de capitalistes (biffez la mention inutile). A cette fin, vous devrez utiliser vos moyens militaires, politiques et de renseignements, sans oublier que la course à l’espace fait rage.
Résumé du jeu
Plus concrètement, comment joue-t-on? Me demanderez-vous l’oeil pétillant de curiosité. Au début de la partie, vous êtes face à une carte du monde avec l’influence des deux superpuissances au lendemain de la guerre froide (en gros, les pays d’Europe de l’ouest sont sous influence US, et ceux d’Europe de l’est sous influence soviétique). Le jeu est divisé en dix phases, qui sont elles-mêmes divisées en différents rounds(entre 7 et 9). Un « round » consistant simplement à ce que les deux joueurs jouent une carte. Enfin, notons que les phases sont divisées temporellement entre la early, middle et late war, qui représentent l’avancée temporelle du monde. Le vainqueur étant celui qui a obtenu le plus de points à l’issue des 10 phases.
Vous l’aurez compris, Twilight Struggle est card-driven game. En effet, au début de chaque phase, les joueurs piochent entre 7 et 8 cartes du deck relatif à l’époque à laquelle ils se trouvent (les deux joueurs piochent dans le même deck) et les jouent à tour de rôle. Ces cartes représentent un évènement qui est associée à une superpuissance (par exemple, « Crise de Suez de 1956 », qui aide l’URSS) et un chiffre placé en haut à gauche.
Les joueurs peuvent utiliser cette carte de trois façons :
- Jouer l’évènement, qui consiste à uniquement appliquer l’effet décrit.
- Jouer la carte de manière opérationnelle, qui consiste à utiliser le chiffre en haut à gauche afin d’utiliser les « points opérationnels » pour accroître son influence dans un ou plusieurs pays, diminuer l’influence de l’autre superpuissance, ou organiser un coup d’Etat.
- Jouer cette carte dans la Course à l’espace (une fois par phase seulement), qui permet en fait de défausser la carte pour une phase (mais elle sera remise dans le deck pour la prochaine phase). Cette action permet au joueur de lancer un dé pour voir sa nation progresser dans la course à l’espace.
Les joueurs aguerris que vous êtes ne manqueront pas de me faire remarquer qu’il suffit donc de jouer les évènements qui vous sont propices et de jouer en opérationnel les cartes dont l’évènement attitré ne l’est pas. Excellente remarque, mais ces coquins de concepteurs ont rusé, car une carte jouée en opérationnel déclenche l’évènement si celui-ci est lié à la puissance ennemie ! Et bien entendu, plus la puissance opérationnelle de la carte est élevée, plus l’évènement lié est puissant ! Il s’agira donc de faire des horribles choix pendant toute la partie, sachant qu’une carte jouée en opérationnel est remise en jeu dans le deck (seules les cartes dont l’évènement a été déclenché sont – en règle générale – défaussées).
Néanmoins, via ces évènements et ces opérations, les joueurs vont étendre leur influence afin de générer des points de victoire. Les points de victoire peuvent être obtenus via la course à l’espace, des évènements, et surtout les cartes scoring, qui sont des cartes évènements qui génèrent des points de victoire et sont liées à une région. Si vous avez une carte scoring pour le Moyen-Orient, par exemple, vous serez bien avisé de d’abord augmenter votre influence dans cette région avant de la jouer. A votre adversaire d’anticiper votre mouvement et de contester la zone.
Par ailleurs, Twilight Struggle dispose d’un mécanisme assez vicieux à travers l’échelle Defcon. En effet, vous avez la possibilité d’organiser des coups d’Etat via les cartes opérationnelles. Mais chaque coup d’Etat dans un « pays de confrontation » (comme l’Allemagne de l’Est, la Corée ou Panama, par exemple) fait augmenter la tension internationale, et l’échelle Defcon se rapproche du fatidique niveau 1, correspondant à la guerre atomique. Si un joueur, durant son tour, atteint ou fait atteindre le niveau 1 de Defcon, ce joueur a perdu ! MAIS, si vous n’avez pas fait durant la phase un nombre d’opérations militaires (de coups d’Etat donc) égal au niveau du Defcon, votre pays semble faible et vous perdez des points de victoire… Au fait, ai-je précisé que ce sont ces pays de confrontation qui sont décisifs pour générer des points de victoire? Inutile de dire que la guerre froide est toujours à deux doigts de prendre un coup de chaud.
Conclusion
Et au final, que penser de ce jeu? Il y a plusieurs points à souligner.
En ce qui me concerne, l’ambiance de ce jeu me séduit énormément. Le style graphique, les photos sur les cartes, la perspective de voir la guerre froide partir de l’Europe et contaminer le monde entier, tout cela participe à la sensation grisante de se voir face à la peste communiste/capitaliste et à tout faire pour essayer de la contenir. Si vous êtes sensible à l’histoire en général et à cette période en particulier, je pense que vous serez conquis (ho ho ho ^^).
En termes de gameplay, et bien c’est du solide et de l’éprouvé. On est face à un wargame élégant et efficace. Le premier tour sera peut-être un peu fastidieux mais dès qu’on a assimilé les règles ça se joue simplement et de manière fluide. A noter que pour deux joueurs expérimentés (moi et ma compagne n’avons pas encore beaucoup d’expérience à ce jeu), le bluff doit entrer en compte. Il faut par contre préciser que le jeu est assez long (compter 4-5h pour une première partie) et n’est plus édité en français à l’heure actuelle.
En résumé, je pense que Twilight Struggle n’a pas démérité sa cote. Il s’agit d’un très bon jeu, qui parlera particulièrement aux joueurs qui s’intéressent à la période. Malgré tout, il reste un wargame basé sur des mécanismes de card-driven, prudence donc pour ceux allergiques à ces mécanismes.
Une perle.